Aux temps du tan d' antan

Publié le par collégial kanentelos

 

A l'époque de l'audio de Célest' sur entre 16 et 17 , toujours truculent, la Charente compte , en les toutes premières années du 19 eme siècle , 991 moulins dont 867 à eau et 124 à vent . A ceux ci , il faut ajouter 42 moulins à tan . Dans nos Charentes on ne rencontre guère de toponymes inspirés des moulins à tan . Talmont semblait l'un des rares «  nominés », Jacques Duguet apporte un éclairage diffèrent inclus dans ce billet .

 

Pourquoi tanner ? Lorsque qu'une peau de bête est desséchée simplement , elle pourrit rapidement et présente une faculté importante de rétention de l'eau .Elle ne résiste à aucun frottement .

 

Théorie du tannage : Une peau plongée dans l'eau contenant une dissolution de tanin où dans une décoction de substance astringente , transfert de l'eau vers sa masse, le tanin ou la substance astringente. L'eau s'en trouve lentement dépourvue au profit de la peau qui devient une matière résistante , insoluble, armée contre le pourrissement, la sècheresse et l'humidité . Le tannage est définit par l'opération qui consiste a transformer les peaux des animaux en cuir.

A cet effet le tanin présent dans nombre de végétaux est utilisé de date immémoriale . Il est récupéré dans les écorces de plusieurs arbres qui sont séchées naturellement et broyées à une granulométrie inférieure à deux centimètres Le produit obtenu est le tan .

Beaucoup d'essence végétales sont utilisées : Le chêne, le châtaigner , le bouleau , le saule , l'acacia et même le joli mimosa. En Charente le chêne rouvre semble avoir la préférence des tanneurs. Plus de la moitié des 42 moulins à tan Charentais sont groupés autour de Barbezieux . Cinq sont signalés par les inventaires de la statistique dans le Cognaçais . La récolte des écorces était réalisée au printemps , période ou le pelage est facilité par la monté de la sève et ou le risque est le moins fatal pour l'arbre . Malheureusement les détails de ce pelage et du séchage des écorces ne nous sont pas connus... Peut être ces détails sont ils notés dans quelques anciens textes et nous éclaireront ils bientôt ?

arbre à came M Tan-jpgLe moulin à eau semble avoir été utilisé le plus souvent , mais l'énergie éolienne associée a un système intermédiaire entre meule et broyeur mérite d'être signalée , en voici le principe . La meule tournante est façonnée pour présenter des crans importants sur la face de travail , la meule dormante est ceinte d''une tôle métallique épaisse garnie de perforations . Les écorces introduites au centre de la « tournante » sont déchiquetés et broyés dans l'espace entre les deux meules . La sortie du système n' est possible que pour des produits réduits à une section inférieure aux perforations de la tôle .

La plus importante quantité du tan Charentais est produite par des moulins équipé d'un arbre à came horizontal Pilons-a-tan.jpgactionnant des pilons armés de pics et de tranchants (cf illustrations ) Le mouvement y est alternatif. Les pilons écrasent , coupent et éclatent les écorces dans un mortier .

Vers 1880 l'invention d'un procédé de tannage utilisant les sels de chrome va faire disparaître définitivement les équipements de broyage du tan. . Ils seront remplacés dans les moulins par des mécaniques de mouture pour céréales ou oléagineux voir des pilons industriels : forges ou autres .

Ces remplacements rapides expliquent le manque de témoignages restés physiquement disponibles à nos générations .

 

Voici un rapide survol des opérations de tannage au temps du tan d'antan :

Le pelage consiste à éliminer les poils des peaux . Le produit épilatoire était alors le lait de chaux en bain qui se prolongeait de trois semaines à un mois. Ce produit sera ensuite remplacé par la soude caustique , réduisant la durée de l'opération de moitié .

La Jusée est une période intermédiaire de préparation au tannage . Elle a pour but de dilater les pores des peaux afin d'y préparer la pénétration du tanin. Il s'agit de bains dans des solutions aqueuse de plus en plus forte en tan.

Le tannage proprement dit , ou les peaux sont empilées dans des cuves intercalées de couches de tan. L'ensemble est noyé et chargé de pierres pour éviter la flottaison . Le tan sera renouvelé au bout de quelque mois . L'opération de tannage sera complète dans une période variant de 8 à 12 mois.


P. Berton


A PROPOS DE TAMNUM PAR JACQUES DUGUET.

 

Les documents itinéraires de l'Antiquité ne nous font connaître que deux mansions dans la cité des Santons, Tamnum et Novioregum (1), qui n'ont pas encore été localisées. Il est évidem­ment inutile aujourd'hui de réfuter les identifications Tamnum-Talmont et Novioregum-Royan, qui ont fait leur temps, mais il n'est peut-être pas sans intérêt de signaler que Musset a dû commettre une erreur en situant à Talmont un moulin qui est mentionné dans la pièce n° 452 du cartulaire de l'abbaye de Saint-Jean-d'Angély.

Voici le texte de cette pièce : « ... Constantius, molendinarius, suusque filiaster Aimericus, venerunt in capitulo pro hac convenentia ut scilicet facerent unam aedificationem in terra Sancti Joannis, id est molendinum ad Tamnum, unde nos haberemus duas partes et ipsi ter­tiam... » (2). Ceci ayant été rédigé entre 1060 et 1091, à une époque où l'abbaye de Saint-Jean-d'An­gély a acquis des terres dans la région de Talmont (3), i1 est donc possible que ce moulin ait été construit dans une terre de l'abbaye située à Talmont. C'est ce qu'a pensé Musset. Ainsi le Tamnum de la pièce serait Talmont. De là à identifier le Tamnum de l'Itinéraire d'Antonin avec Talmont-sur-Gironde, il n'y a qu'un pas.

On peut pourtant faire une objection sérieuse à l'identification proposée par Musset : dans le cartulaire, on rencontre une quinzaine de fois le nom de Talmont, mais jamais sous la forme Tamnum. Le château est appelé castro Talemonio (4), castrum Talamum (5), castri Talemonii (6). Les seigneurs de Talmont, Guibert et Ramnulfe, sont dits de Talamone (7), Talemonensis (8), Talemonis (9). Il est évident que, pour les rédacteurs les plus lucides de ces textes, le nom de Talmont est du type Talamo-onis. Dans le dernier tiers du XIe siècle, la prononciation devait hésiter entre Talamon (Talemon) et Talamo (Talemo) (10).

Pour nous, le moulin en question est un moulin à tan. Nous traduisons : « Constant, meu­nier, et son gendre Aimeri, vinrent au chapitre pour régler les conditions dans lesquelles ils feraient une construction dans la terre de Saint-Jean, à savoir un moulin à tan, dont nous pos­séderions les deux tiers et eux le tiers ». Il est vrai que le mot tan est généralement latinisé en tannum et non tamnum, au Moyen Âge. Ici il faut faire intervenir les variantes des manuscrits. On sait que la trace du cartulaire original est perdue. Le texte est connu surtout par deux copies tardives, qui se trouvent dans la collection Fonteneau (11) et dans le manuscrit n° 5451 du fonds latin de la Bibliothèque Nationale. La copie de la Bibliothèque Nationale, qui date du XVIIIe siècle, est mauvaise. Musset l'a signalé mais il a quand même pris cette copie pour base de son édition. C'est pourquoi la forme Tamnum figure dans son texte. En érudit conscien­cieux, il a reproduit en notes les variantes des autres manuscrits, ce qui nous permet de cons­tater que, dans Fonteneau, figure la leçon Tannum. Nous n'hésitons pas à écarter Tamnum (12) et à considérer tannum comme un nom commun désignant le tan.

Il pourrait cependant subsister un doute, car le titre de la pièce est Carta de molendino de tanno. A la première lecture, on a l'impression que le compilateur du cartulaire, en donnant ce titre à la notice, a considéré que tanno est un nom de lieu. Ce n'est pas certain. On a hésité autrefois entre les appellations « moulin à tan » et « moulin du tan ». Ainsi, « Le Moulin à Tan », dans la commune de Saint-Martin-de-Saint-Maixent (13) a été dit « Moulin du Tan » (14). Inversement, « Le Moulin du Tan », sur la Boivre, dans la commune de la Chapelle-Mon­treuil (15), est appelé « Moulin à Tan » en 1464 (16). On peut faire une remarque analogue au sujet des moulins à vent, qui ont été des « moulins de vent » ou des « moulins au vent ». « Le Mou­lin au Vent », dans la commune de Nieuil-l'Espoir (17) est nommé Molendinum de vento en 1276, Molendinum ad ventum en 1325 et Moulin au vent en 1473 (18). Les archéologues connaissent bien la station de Moulin-de-Vent, en Saintonge.

Si notre interprétation est bonne, le moulin est mal localisé, puisqu'il est dit « dans la terre de Saint-Jean », sans autre précision. Or la pièce n° 452 du cartulaire est insérée dans une série qui concerne des moulins dont la situation est nettement indiquée. Il se trouvait peut-être à Saint-Jean-d'Angély, sur la Boutonne, à proximité de tanneries. Dans ce cas on comprendrait que le rédacteur de l’acte n'ait pas éprouvé le besoin d'être plus précis.

Le Tamnum du cartulaire de Saint-Jean-d'Angély écarté, on ne peut actuellement citer aucun texte qui ait conservé le nom de la mansion romaine que l'Itinéraire d'Antonin appelle Tamnum.


Notes

 

 

  1. Si Tamnum de l'Itinéraire d'Antonin et Lamnum de la Table de Peutinger désignent le même lieu.

  2. Archives Hist. de Saintonge et d’Aunis, XXXIII, 1903, pp. 114-115.

(3) Ibid., XXX, 1901, pp. 348-358.

(4) Vers 1094 ; n° 284 ; ibid., pp. 349-350.

(5) Vers 1097 ; n° 282 ; ibid., pp. 347-348.

(6) Vers 1088 ; n° 294 ; ibid., pp. 357-358.

(7) Vers 1070 ; n° 283 ; ibid., pp. 348-349 et n° 288 ; ibid., pp. 352-353.

(8) Vers 1087 ; n° 291 ; ibid., p. 355.

(9) Vers 1099 ; n° 281 ; ibid., pp. 343-347.

(10) Talamo (Talemo), par suite de la chute du n final en occitan.

(11) Tomes XIII, XXVII bis, LXII et LXIII.

(12) Dans le texte du manuscrit de la Bibliothèque Nationale, on rencontre aussi Cheminus pour Cheninus (Archives Hist. Saintonge et Aunis, XXX, p. 21).

(13) Canton de Saint-Maixent, Deux-Sèvres.

(14) Dictionnaire Topographique des Deux-Sèvres ; texte de 1533.

(15) Canton de Vouillé, Vienne.

(16) Dictionnaire Topographique de la Vienne.

(17) Canton de la Villedieu, Vienne.

(18) Rédet, Dictionnaire Topographique de la Vienne.

 

Publié dans le bulletin de la Société de Géographie de Rochefort, 2e série, tome IV, n° 2, 2e trimestre 1979, pp. 47-48.

  
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