Le maître des loups

Publié le par collégial kanentelos

 

Célestin a bâti ce conte sur des  bases de l' historique et du légendaire Charentais . Cela n'en fait en rien une légende, ni un document historique . La version originale est d'expression patoise. Elle est disponible sous forme audio ( MP3) , en quatre parties surEntre 16 et 17 et la transcription graphique est consultable dans nos pages patoises .

Cette histoire est dédiée par son auteur à Jacques Duguet dont la passion pour le monde des loups est si ardente et tellement compréhensible .



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Il était , autrefois , un roi qui était un bon roi , le roi Jean . Un roi tellement bon qu'on l'appelait le roi Jean le bon ! Ce n'est pas rien que cela . Le roi Jean avait confisqué les biens d'un personnage peu recommandable (1) qui l'avait trahi avec les Anglais et qui avait aussi , paraît-il, essayé de séduire notre reine.

Le roi Jean le bon était ainsi devenu le propriétaire de notre forêt , en les « pays bas Charentais » , la plus grande qui soit dans le gros dénivelé de Saintonge. Le roi Jean le bon , qui était décidément bien bon , partagea son bien en cinq . Il en donna quatre morceaux à quelques uns de ses amis ( Ne savez vous pas ce qu'il en est de la politique !?) et en accrocha le dernier au chapeau du royaume . Ce chapeau se nommait : la couronne . Ce morceau de forêt , ce « quintième » était donc le « quint du roi ».Il était attaché à la couronne de France . Les quatre autres « quintièmes » n'étaient attachés à...rien.

 

Ce qui fait que les gens «  paybatiers » ne parlaient plus de bois, le terme devint « quint » dans le langage local. Le chemin traversant la forêt se disait le chemin des quints Il en est encore ainsi aujourd'hui .

En ces temps d'autrefois , les loups avaient refuge au plus reculé des bois . Ils couraient partout en faisant grands ravages dans les troupeaux et mordaient , quand le hasard le permettait , la cuisse d'une bergère ou bien le dos d'un jeune garçon. . Les hommes de la haute société les chassaient, montés sur des chevaux , avec de grosses meutes de chiens . Ils obligeaient les hommes du pays à des corvées pour creuser des pièges où les loups en tombant s'empalaient sur des branches taillées en biseaux .

Mais les loups avaient aussi un roi ! Ce roi était , paraît il un homme sorcier . Il avait assemblé sa troupe sur les terres du quint du roi de France . Depuis que les loups avaient un maître, les  Messieurs  n'en capturaient plus guère parce que le maître des loups était de bons conseils et il les guidait en des lieux sans danger . Il ne resta bientôt plus un gibier sauvage , plus un sanglier , même plus un renard dans les quints . Plus rien et les nigauds de chasseurs faisaient tristes figures en s'essoufflant dans leurs trompettes en corne.


Le froid de l'hiver trouva les loups amaigris qui hurlaient de faim. Le maître se rendit alors dans une métairie et fit un marché avec la patronne , sorcière elle aussi . Quelques jours plus tard , quatre jeunes filles étaient les invitées d'une veillée chez cette sorcière . La matrone avait affirmée qu'elles y rencontreraient trois « galants », des plus adroits et des plus rares , comme il est bien impossible d'en rencontrer autre part.


Au dixième coups de cloche dans la nuit , la porte qui n'était pas bloquée laissa le passage à trois grand loups qui , prenant trois chaises entre les jeunes filles se sont assis sans aucune civilité. Le premier a ouvert une gueule puante, interrogeant la sorcière pour savoir où se trouvait la brebis , celle promise à son roi , le grand maître des loups .

«  Il y a ma plus belle brebis pour ton maître qui est mon ami , dans le parc derrière la maison et comme je suis de bonne humeur , il y a aussi un gros mâle d'oie pour lui ! . Vas les prendre et donnes les lui ! Fais en sorte de ne pas être arrogant en sortant , sans cela je vais te caresser le râble avec ce balai ! »

Le second et le troisième loups en grande peur d'être frappés plièrent la patte pour faire la révérence et le plus maigre , celui qui avait les vertèbres qui pointaient sous la peau, demanda ou se trouvaient les étrennes des autres fermiers de la paroisse .

« Il y a un bouc attaché à la croix Quentin , au croisement du chemin de la Trappe . Ceux qui l'offrent au maître sont les gens de la ferme qui est en face .Laisses la corde sur place et ne fais pas japper les chiens du village » .

Comme il ne restait qu'un seul loup , c'est du meunier dont il fut question . Le farinier avait fait la promesse de donner … des coups de fourches à tous les loups qui roderaient à l'entour du moulin. Le grand loup poussa l'un de ces hurlement que seuls les chiens et les loups savent japper sous la pleine lune.

«Tais toi grand sot et vas plutôt t'occuper de cet âne que le meunier a si bien engraissé . Il en deviendra plus généreux à l'avenir ! »

 

Les loups sortis , il restait un relent sauvage dans l'air de la pièce. La patronne a expliqué que les gens qui avaient pris accord avec le maître des loups seraient laissés en paix et que les autres, pauvre monde , perdraient bien plus qu'une bête et que souvent ils les perdraient toutes !

Une grande dégingandée parmi les trois demoiselles , promit de faire en sorte que son père donne lui aussi un animal aux loups .Elle venait d'avoir une peur énorme de ces trois loups-garous assis au milieu d'entre elles .Sa voisine fit mieux encore et affirma que si son père refusait , elle ouvrirait elle même le toit du cochon , la nuit de Noël ! En échange , le maître des loups ne devrait jamais mener ses troupes dans leur propriété . La dernière fille qui avait de la religion , affirma que de faire un pacte avec les loups équivalait à se rendre sur le champ en les enfers .Elle s'en retourna en murmurant une dévote prière . C'est justement monsieur le curé qui a découvert ses restes sur le chemin . Les loups l'avaient croquée à quelques pas du seuil de sa porte .

La guerre fut déclarée . Dans les bois des quints , les seigneurs avaient fait creuser des mares afin que les gibiers puissent boire , elles se changèrent en pièges. Que ce soit à la « Rouère » ou au creux « Loubet » comme à « la cheutine » , des canards prisonniers servaient à appeler les loups . Les passages , les frayées étaient piégés . Les villageois étaient dans l'obligation de s'enfoncer au cœur des taillis pour en déloger la mauvaise bête . Au hameau de « Pannelou »(2) pendaient, aux bouts des liens , les animaux abattus .

Alors que les chevaux galopaient , que les chiens donnaient de la gueule et que les hommes hurlaient, sortirent du carré de « Chantelouc » ,une dizaine de bêtes noires pour s'enfuir par les chaumes . Sur elles , bientôt , plus de deux cents chiens et cinquante hommes piquaient , fourchaient et coupaient . Les chiens déchiraient les peaux et les viscères. Il n'en resta bientôt plus un seul debout. Au milieu de ce tintamarre un homme s'écria : «  Nous avons détruit les loups ! Nous les avons détruits et nous avons tué le meneur!! » .

Il se but de nombreux tonnelets de vin et , après avoir jeté sur un chariot les carcasses éventrées , les habitants du  « Pays bas » en procession ont conduit les cadavres à Pannelou pour qu'ils y soient pendus .

 

Lequel était donc le maître ? Ils se ressemblaient tous !!

 

Ils sont restés à sécher ainsi à la lune et le lendemain on pouvait compter : un loup , une louve et dix hommes inconnus au pays !!! sauf un , le meunier !

 

Le roi a vendu son quintiéme à Renault Chabot le baron de Jarnac . Maintenant les quints sont tous de Jarnac et on ne parle plus que de la forêt de Jarnac . Les loups sont disparus mais les hommes se surveillent , le regard soupçonneux …...... Les loups changent de peaux , ne le croyez vous pas ?

 

 

 

Merci à Mademoiselle Paulette Gayraud pour les sources relevées en son ouvrage «  Bréville au fil du temps ».

  1. Raoul , comte d' Eu et de Guinés

  2. Lieu ou étaient pendus les loups, tout comme « penlou » .Terme désignant aussi un piège où le loup pris au lacet se retrouve pendu en l'air par l'effet de flexion d'un jeune arbre .

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